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01/01/2008
Sideways, d'Alexander Payne
En fait, j'aime les histoires d'amour sensibles, qui se découvrent avec finesse, au travers d'une compréhension intuitive commune, des regards, d'une dégustation, d'une complicité qui devient totale et qui ne se sert des mots que par défaut. J'aime la lenteur des bons instants, l'ambiance jazzy et feutrée d'un lobby chaleureux, la lumière intense et déclinante d'une balade en décapotable au milieu des vignes, les dégradés de marron et de vert d'un casse-croûte en campagne.
Je déteste les films lisses et bien pensants, les univers esthétiques parfaits, le goût mondial, la force tranquille des héros intouchables. Je déteste la cuisine industrielle, la sursaturation sucrée ou salée, les vins aux goûts de concentrés arômatiques.
Sideways est une histoire banale, une bulle de vie, mais une tranche de vérité dans un monde hanté par les névroses modernes. La faiblesse de l'autre se trouve souvent à une situation de là, un fait inattendu qui vous fait "péter les plombs" au sens propre des mécanismes électriques du cerveau.
Miles, joué par Paul Giamatti, est un pauvre type, selon toute apparence, du moins le pense-t-il. Prof qui s'ennuie lui-même, écrivain jamais publié, physique lambda, fauché comme les blés.
Jack est son ami, du moins a-t-il ce statut depuis un partage de chambre comme étudiant à la fac avec Miles. Jack, interpreté par Thomas Haden Church, est un acteur de série B raté qui n'émeut par son talent que les serveuses de restaurant nostalgiques.
Miles et Jack ont décidé de s'éclater. Une semaine de bonheur dans ce monde ingrat. Miles aime le pinot noir, Jack est un dévoreur de vie et de femmes insatiable. Ils sont l'eau et le feu, mais leur médiocrité terrestre les rapproche. Et c'est bien ce qui peut aussi les transcender. Trouver dans une dégustation, une balade, une discussion, le fond des sens, la beauté de la vie.
Parfois, c'est tout à la fois. Comme ce passage dans les rangées de pinot noir, ce cépage que Miles dit dur à cultiver, à la peau fine, au beau tempérament, qui mûrit très vite. "Ce n'est pas un survivant comme le Cabernet !". Le pinot noir, poursuit Miles, ne s'acclimate qu'à de petits terroirs bien spécifiques. Seuls les plus patients et les plus soigneux des viticulteurs pourront l'amadouer. Miles est un être exceptionnel, capable de saisir l'essence même de ce beau cépage aux fruits rouges subtils, anciens.
"Le cabernet est plus puissant, plus prosaïque". On en viendrait à le trouver vulgaire ! ;-)
Maya - Virginia Madsen - répond au diapason. Elle aime à penser à la vie du vin. "Il évolue sans cesse". Une bouteille est en constante évolution jusquà son apogée, puis elle entame un lent et inexorable déclin.
Et les deux - Maya et Miles - ont cette beauté rare que la folie exprime : "le jour où on ouvre un Cheval Blanc 1961, c'est l'occasion !" Quel bel hymne à la vie, quel bras d'honneur aux conventions castratrices !
Le goût mondial prend sa part quand Miles explique à Jack son dégoût de la seconde fermentation californienne du Chardonnay.
Miles prend le temps d'initier Jack à la dégustation, l'observation de la densité des couleurs, le flairage, l'oxygénation. Et les personnalités sont brutes et simples. La question de Miles à la fin de la séance de dégustation est mémorable : "tu maches du chewing-gum ?!!"
Le relief n'est pas seulement dans le verre : ce vin "est plus serré qu'un cul de nonne, mais très fruité !"
Les médaillons de porc saupoudrés de truffe noire participent à un enchaînement génial : withcraft winery en pinot noir bien sûr, seasmoke rouge dans le cépage que vous savez, Pommard et enfin Richebourg.
J'apprécie Miles car il joue au golf aussi bien que moi, il sait commander un "croissant aux épinards", attaquer avec Jack des joueurs gougeats trop pressés en moulinant leurs clubs au-dessus de leur tête et en poussant des cris terrifiants tels des hommes des cavernes distingués du 21ème siècle mais aussi déguster un beau verre de vin au pied d'un grand arbre sous un coucher du soleil aux tons dorés pastel.
08:15 Publié dans A voir | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : sideway, Alexander Payne, wine, pinot noir, vin, art de vivre
Commentaires
Bonjour Luc,
Je n'ai pas encore vu ton poème de 4 vers sur VINSURVIN...
Cordialement,
Fabrice.
Écrit par : VINSURVIN (la rédaction) | 03/01/2008